2 janvier 1949, dix-huit footballeurs du bourg de Corps-Nuds, en Bretagne, revenant d’un match, trouvent la mort dans un accident. Cette tragédie a marqué la France entière et pesé sur la jeunesse de Jean-Paul Kauffmann, enfant du même village.
Ce fait-divers est le point de départ d’une enquête sur les distorsions de la mémoire.
Comment cet accident annonce-t-il la journée du 22 mai où Jean-Paul Kauffmann sera enlevé à Beyrouth et détenu en otage durant trois années ?
La boulangerie paternelle, une étrange église, l’odeur d’un monde rural disparu… Après l’accident libanais, ce récit sur l’inexplicable s’est imposé à l’auteur. Sans l’enlèvement qui a fait resurgir ses premières années, Jean-Paul Kauffmann n’aurait probablement jamais eu le désir de raconter son après-guerre. Refuge et protection, cette enfance l’a sauvé. Grâce à elle, une partie de sa vie de prisonnier a échappé à ses ravisseurs.
Ce livre à la fois enquête et récit intime nous apprend à sentir, regarder, observer. Tout lecteur y retrouvera sa part d’enfance, ce sanctuaire dont on se croit le propriétaire.
Jean-Paul Kauffmann est notamment l’auteur aux Équateurs d’Outre-terre et de Venise à double tour. Son œuvre couronnée par les prix littéraires les plus prestigieux, considérée déjà comme une référence classique a été en partie réunie en un volume de Bouquins.
Né à Saint-Pierre-La-Cour en Mayenne en 1944, il passe une grande partie de son enfance en Bretagne, à Corps-Nuds. Diplômé de l’école supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, il commence sa carrière à Montréal à la fin des années 60, puis collabore à Radio France Internationale de 1970 à 1977. Journaliste à l’AFP, il fait partie en 1977 de l’équipe fondatrice du Matin de Paris, avant de devenir grand reporter pour L’Événement du jeudi.
Le 22 mai 1985, alors qu’il se trouve en reportage à Beyrouth, son enlèvement par le Jihad islamique avec le professeur Michel Seurat défraye la chronique. Trois longues années s’écoulent avant que l’intervention de Jean-Charles Marchiani, le 4 mai 1988, permette sa libération et le retour parmi les siens. Trop souvent réduit à l’étiquette médiatique de ‘l’ex-otage du Hezbolah’, Jean-Paul Kauffmann mettra près de vingt ans avant d’évoquer frontalement le sujet dans ses écrits, avec La maison du retour en 2007.
L’écrivain livre Remonter la Marne, aux éditions Fayard. Tel les explorateurs remontant aux origines du Nil, il a longé à pied la plus longue rivière française depuis Paris jusqu’à sa source, compilant ses impressions et le récit de ses rencontres. Une vision optimiste de la France et un hommage à ses plus grandes figures littéraires, nées sur les bords de la Marne : Radiguet, Ronsard, Bossuet, La Fontaine, André Breton…
Venise à double tour nous embarque au cœur d’une Venise secrète, inconnue et pleine de mystères. Jean-Paul Kauffman s’est lancé dans une quête sacrée : durant plusieurs mois, il arpente les ruelles de la cité flottante avec l’idée de pénétrer dans une quarantaine d’églises fermées au public. Cette aventure vénitienne est l’occasion pour lui de se remémorer et de faire de sa quête une fin en soi.
Son dernier livre L’Accident (Editions des Equateurs, 2025) rend hommage à son enfance bretonne et ses souvenirs enchanteurs. Un bouclier de survie face à la “fournaise libanaise” lors de sa prise d’otage à Beyrouth en 1985.
© Maurice Rougemont
Des portraits bouleversants d’êtres seuls, vus par un homme lui-même solitaire, qui essaie de comprendre ce qui l’a séparé de son père.
Journaliste célibataire d’une quarantaine d’années, le narrateur se rend dans la maison de son père qui vient de décéder et dont il n’avait plus de nouvelles depuis longtemps.
Alors qu’il trie ses affaires, il tombe sur un dossier qui comporte des textes de sa propre plume, écrits vingt ans plus tôt dans le cadre d’une commande de presse. Des portraits d’hommes et de femmes confrontés à la solitude, que, pour une raison mystérieuse, son père a précieusement gardés.
Les piliers de comptoir d’un café sans éclat, un sans domicile fixe qui a joué de malchance, un alcoolique qui vit encore chez sa mère, un homme transparent qui n’a jamais su retenir le regard d’une femme, une institutrice de maternelle qui collectionne les amants sans pouvoir tomber amoureuse, un vieux fermier enfin, qui illustre l’isolement agricole.
Tout en relisant ces portraits, le narrateur se remémore des moments avec son père et tente de comprendre ce qui les a éloignés l’un de l’autre.
D’une écriture délicate, à la sensibilité rehaussée de pudeur, Yves Harté rend ces êtres abandonnés absolument bouleversants. Il explore, avec une empathie contagieuse, le tabou de la solitude qui nous effraie et qui, pourtant, au fond, nous réunit tous.
Yves Harté a été journaliste à Sud Ouest (prix Albert Londres 1990). Il est l’auteur de La Huitième couleur (Arléa, 2015), Latche. Mitterrand et la maison de secrets (Le Seuil, 2021), et du roman La Main sur le cœur (Le Cherche Midi, 2022), lauréat du prix d’Académie de l’Académie française. Parmi d’autres solitudes est son deuxième roman.
© DR