Ciré, bonnet, j’enfile mon scaphandre des plages, charge mon sac de sherpa dans mon fourgon navette et harponne Elvis, destination terre et mer.
Vaisseau posé sur la dune, la porte résiste au vent et impose déjà l’usage de la force pour rejoindre la planète nautique.
Même Elvis se courbe sur ses premiers pas lunaires, puis plisse les yeux face aux gifles de sable . J’évite de faire toboggan sur la pente qui domine l’océan, rassemble ce qui est épars dans ces éléments désordonnés, respire pour seul oxygène embruns et pluie formant déluge, regard mouillé de sel et lavé de ciel, Houston- Contis, nous avons un problème. Au cœur de cette matière qui fait chaos, j’envisage le rivage porteur de déchets, nourri de fragments de vies inconnues, pièces énigmatiques de Rackham le Rouge et de l’île aux trésors.
Mon travail dans cet espace préservé et dévasté de Contis commence ici, et la connexion magique s’opère. Je ne suis pas astronaute, Elvis ne connaît pas les rives du Mississippi et il est chien d’aventure aussi courageux que Milou. Je ne suis qu’interprète, travaille des bois flottés échoués sur les rivages de l’Atlantique, et les porte inlassablement sur mon dos meurtri depuis une éternité pour ensuite les transformer, assembler, sculpter au fil des marées et du tourbillon de mon instinct .Avec les bois d’épaves, c’est tous les jours tempête, et ils sont comme une porcelaine qui revit et que je rédige jusqu’à ce qu’ils s’incarnent sous une apparence nouvelle en sculptures, totems, tableaux, mobilier ou luminaires. Les mutations sous mes mains des bois que je travaille, comme une oeuvre au noir, dépassent ma volonté et s’enchainent à mon instinct.
Mon seul devoir d’artiste est de partir de ce rien qui pèse sur mes épaules au moment de gravir la dune pour rejoindre mon atelier et y libérer une nouvelle vie en forme d’œuvre nécessairement unique et singulière. Quand je découvre ce songe flottant, sous le règne du phare de Contis, ces bois érodés par l’alchimie des forces de Mère nature, il existe déjà une nouvelle création en transparence, malgré le sable qui vole dans les yeux d’Elvis et de son commandant de frégate. Tout ce que je sais de la mer procède du mouvement magique de la lune, des tempêtes et de la lumière, du soleil qui sèche le bois flotté de rayons si purs qu’il m’est acquis que rien sur cette plage de l’océan atlantique ne peut être le hasard. Croyez seulement à ce que j’ai vu dans ces bois de mer, car je l’ai vu autant que vous avec vos yeux d’enfant.